Le pays noir vu par Emile Zola et Jules Mousseron, par Michèle Blangille
Les deux exposés : Jules Mousseron, le poète-mineur (décembre 2018) et Le pays noir par Zola et Mousseron (février 2019) permettent dans un premier temps de faire connaître et reconnaître Jules Mousseron, le poète-mineur de Denain, poète patoisant et dans un deuxième temps, après avoir considéré la vision d'Emile Zola sur le « pays noir », où se situe l'action de Germinal, de suivre pas à pas la visite de l'auteur à Anzin, Denain et Bruay-Thiers, au cours d'un court séjour où il logea à Valenciennes du 29 février au 2 mars 1884.
Mousseron (1868-1943) et Zola (1840-1902) furent contemporains. Mais Mousseron, dans ses poèmes en patois, raconte son travail, la vie des mineurs, sa ville natale qu'il aime, Denain, « la ville fermière ». Il nous livre le côté clair, joyeux, malgré le dur travail et les difficultés de la vie quotidienne.
Alors que Zola, parisien, voit tout de l'extérieur, en très peu de temps : il ne vient dans le Valenciennois que pour se documenter sur place pour son roman. Il nous montre, lui, le côté sombre, dramatique et peu enviable de notre région et du dur labeur des mineurs.
L'oeuvre poétique de Jules Mousseron, grâce à l'analyse de Jean Dauby, nous fait découvrir :
- la vie du coron à cette époque (maisons de corons, repas, jardins et élevage d'animaux, petits métiers, vie communautaire,
- le parler du mineur, le rouchi, avec ses origines, sa syntaxe, sa conjugaison, son vocabulaire, ses proverbes. C'est le parler de la mine, aucune allusion au parler campagnard
- les fêtes et divertissement populaires (cabarets, sociétés de musique, de gymnastique, de pêche, coulonneux, coqueleux, jeux divers, fêtes de famille, ducasses, bals, repas pantagruéliques, marches, cortèges, voyages grâce à la naissance du chemin de fer).
Mais aussi :
- l'équipement du mineur (vêtements, outils)
- l'organisation d'une mine, le fonçage des puits
- la descente du personnel, l'accrochage
- les galeries, la taille
- les transports au fond, la remonte du charbon
- les tirs de mines, l'aérage
- le grisou qui fit tant de victimes
Mais encore :
- l'éclairage individuel du mineur : de la chandelle à la lampe à chapeau.
Ces divers aspects nous sont livrés par Monsieur Fréteur, Directeur honoraire du CFP (centre de formation Professionnelle des Houillères).
Quant à Monsieur Marel, spécialiste de Zola, Professeur au Centre Universitaire de Valenciennes, il nous livre l'itinéraire de Zola dans le Valenciennois, la géographie de Germinal et une étude sur Eugène Lantier et les chefs syndicalistes en se basant sur « Mes notes sur Anzin » de Zola lui-même, manuscrit conservé à la Bibliothèque Nationale.
Cette étude se termine par un exposé de Monsieur André Hénau, IDEN, sur la grève de 1884 à la Compagnie des Mines d'Anzin qui dura 56 jours, fut durement réprimée et se termina par un échec total pour les mineurs
Conclusion : Je ne peux terminer ce petit résumé sans citer l'un des poèmes de Mousseron que je préfère
il y en a tant !
L'patois
J'ai fort quièr el français, - ch'est l'pus joli langache,-
Comm' j'aime el biau vêtemint qué j'mets dans les honneurs,
Mais j'préfer' min patois, musiqu' dé m' premier âche,
Qui, chaqu'jour, fait canter chu qu'a busié min coeur.
Dins l'peine, un mot patois nous consol'davantache :
Dins l'joie, à l'bonne franquette, i corse el bonne humeur.
Il est l'pus bell' rincontre au cours d'un long voïache,
L'pus douch' plaint' du soldat au mitan des horreurs.
L'patois s'apprind tout seul, et l'français, à l'école.
L'un vient in liberté, l'autr' s'intasse comme un rôle,
Les deux sont bons, bin sûr, mais not' patois, pourtant,
Rapell' mieux les souv'nirs d'eun' jeunesse effacée,
L'patois, ch'est l'fleur sauvach' pus qu'eune autre parfeumée,
Ch'est l'douche appel du soir d'eune màre à ses infants.
Faut-il traduire en français ?
Je pense que ce nest pas nécessaire !... (sauf peut-être, « busié » = pensé)
Michèle Blangille