Compte-rendu de la conférence sur« Jules Mousseron (1868-1943), poète humaniste »donnée dans le cadre de l'ARENVAL par Pierre-Marie Miroux
Jules Mousseron est né à Denain le 1er janvier 1868 dans une famille très modeste de mineurs. Ses parents étaient illettrés, son père, malade, ne travaille plus à partir de 1880 et meurt en 1882. C'est le 2 janvier 1880 que le jeune Jules descend pour la première fois à la mine, comme galibot, aidant sa famille à survivre de son maigre salaire. Il fera toute sa carrière à la Fosse Renard de Denain. En même temps se manifeste très tôt son goût pour les livres : il parvient à s'en procurer pour quelques sous auprès d'un brocanteur de Denain, et, toute sa vie, il gardera cet intérêt pour la lecture, notamment des grands classiques de la littérature française. S'éveille aussi en lui le goût d'écrire, d'abord des chansons pour des fêtes locales, puis des poèmes en français, publiés dans de petites revues, qui attireront l'attention d'une autre Denaisien, André Jurénil, qui lui conseillera d'écrire en patois, ce qui lui permettra de trouver sa voie définitive.
Lisant d'abord ses poèmes dans ce qu'il appelle ses « concerts », qui sont des manifestations au profit d'uvres de charité, Jules Mousseron se lance dans leur édition à compte d'auteur dès 1899. En tout, ce sera 11 recueils qu'il publiera jusqu'en 1933, un 12e recueil étant publié après sa mort par André Jurénil. Le tout constitue quelque 300 poèmes. Il n'en continuera pas moins ses « concerts », dans le bassin minier, mais aussi parfois à Paris ou en Belgique, jusqu'à la seconde guerre mondiale, toujours bénévolement et pour des bonnes 1/2 uvres.
En 1893, à son retour du service militaire, il avait épousé un Denaisienne, Adélaïde Blottiau (1870-1939) qui lui donnera trois filles auxquelles il consacrera quelques-uns de ses plus beaux textes. Il exercera à la mine un peu tous les métiers du fond : galibot, « meneu d'quevaux », hercheur (pousseur de berlines), « ouverrier à l'veine » (haveur, celui qui extraie le charbon) et surtout « raccommodeu », c'est-à-dire boiseur, son activité principale jusqu'à sa retraite, en 1925.
Les poèmes de Mousseron sont imprégnés de la vie de la mine, tant au fond qu'au jour : ils chantent les activités du mineur, ses outils, sa fierté du travail accompli, mais aussi les dangers qui le guettent, ou ses distractions au jour : les fêtes de Ste Barbe ou le plaisir de faire « s'gardin ». Le c 1/2 ur de l' 1/2 uvre de Mousseron, c'est la bonté et la charité qui doivent s'exercer envers les plus pauvres, et c'est au sein de la famille que ces vertus peuvent principalement prendre racine. Le bonheur familial est un thème majeur chez lui. C'est pourquoi l'on peut parler d'un véritable humanisme de Mousseron.
Quant au personnage de Cafougnette qui reste sa création la plus illustre, il semble que Mousseron l'ait tiré d'un personnage fictif, support, dans un premier temps, d'histoires parfois un peu vulgaires, mais qu'il a adapté et fait évoluer de façon à en faire un type populaire, un peu trop vantard et amateur de boisson, certes, mais finalement pas si bête et plutôt sympathique. Il est assez regrettable que ce personnage ait été récupéré pour devenir parfois le héros d'histoires stupides ou vulgaires, ce qui déforme complètement l'esprit de Mousseron.
De son vivant, celui-ci a connu une reconnaissance régionale et a été l'ami de tous les grands artistes valenciennois de l'époque : Lucien Jonas, illustrateur attitré de ses uvres, mais aussi Harpignies, les Chigot père et fils, Pierre Dautel, Constant Moyaux, les frères Theunissen ou Elie Raset qui a sculpté son buste que l'on peut voir à Valenciennes, rue du Quesnoy. La maison de Mousseron était devenue un petit musée à la fin de sa vie, ce qui a permis de bien préserver sa mémoire au musée de Denain où une salle lui est consacrée. On peut encore voir cette maison, devenue Conservatoire de musique, au 2 rue Villars à Denain, ainsi que sa tombe au cimetière de cette ville (entrée route de Wavrechain), surmontée d'un buste dû à Albert Patrisse.
Mousseron mérite mieux que de survivre seulement comme le père de Cafougnette : c'est un poète authentique qui a su exprimer avec l'accent propre au « rouchi » des valeurs humaines riches et généreuses.