L'AUTEUR
Pierre Assouline, le biographe, puis le journaliste, est né en 1953 à Casablanca au Maroc. Fils d'un résistant qui a participé à la campagne d'Italie, il est le directeur de la rédaction du mensuel Lire. Egalement collaborateur de RTL, il est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages, qui sont à la fois biographies, enquêtes et témoignages. On lui doit, notamment, Lourdes histoires d' eau (Alain Moreau, 1980) et Les nouveaux convertis (Albin Michel, 1982), des entretiens avec Antoine Blondin (Le flâneur de la rive gauche) et Raoul Girardet (Singulièrement libre), ainsi que les biographies très fouillées, consacrées à Marcel Dassault, Simenon, Gaston Gallimard, Jean Jardin, Kahnweiler, Albert Londres et ,en 1997, Le dernier des camondo. Celle d'Hergé, une de ses grandes réussites, vient de paraître dans une version augmentée et corrigée.
Sa dernière oeuvre, La cliente, évoquant le thème de l'Occupation et des Affaires Juives (dénonciations, déportations...), est également son premier vrai roman. Le détonateur, qui a pu permettre au livre de voir le jour, est la lecture du roman de l'allemand Bernard Schlink, Le liseur, histoire d'amour entre un étudiant en droit et une ancienne kapo analphabète. "Le liseur m'a bouleversé, raconte Assouline, c'était tout à fait l'esprit de mon livre".
Cet ouvrage représente une nouvelle phase de sa carrière et de sa vie : "Pierre Assouline bascule de la biographie d'un romancier, au roman d'un biographe". Bien qu'il délaisse la biographie pour le roman, il retrouve dans La cliente, les obsessions qui ont toujours nourri son travail.
L'HISTOIRE
Poursuivant des recherches sur un écrivain, un biographe finit par s'immerger dangereusement dans les archives de l'Occupation. Il découvre des milliers de lettres anonymes, dans lesquelles de bons Français dénoncent leur voisin, un ami, un membre de la famille, des Juifs. Il découvre par hasard une lettre dénonçant la famille d'un de ses amis, des commerçants juifs, fourreurs installés dans le quinzième arrondissement de Paris.
Dans son combat pour la vérité, le narrateur fera tout pour comprendre, au risque de se perdre lui-même et de s'exclure de la société.
« De toute façon, à ce stade de ma névrose, je n'entendais convaincre personne. Vient un moment dans la vie où on ne se parle plus vraiment qu'à soi, à sa conscience, à son âme, à son vélo. On est sûr de ne pas être déçu.»
LES PERSONNAGES
Le narrateur: personnage principal, sans nom ni prénom.
Désiré Simon: pour qui le narrateur fait des recherches.
La famille juive: les Fechner, fourreurs.
Le grand-père déporté et décédé, ainsi que des membres de sa famille.
Le fils Henri (déporté) et le petit-fils François.
La dénonciatrice: Madame Cécile Armand Cavelle (fleuriste), 75 ans au début du récit.
Les commerçants du quartier (le XVe).
LE NARRATEUR
Le narrateur est biographe, il poursuit des recherches sur la vie d'un écrivain Désiré Simon. Il découvre l'univers des Archives de France avec ses milliers de lettres de dénonciation écrites sous l'occupation.
L'une de ces lettres concerne l'un de ses proches amis et un de ses parents: un commerçant dont la famille a été déportée.
Qui a fait cela? et pour obéir à quel instinct?
Le nom du délateur figure dans les dossiers; le coupable est quelqu'un de très proche!
Le narrateur se met à enquêter: enquête policière qui ne laissera personne indemne, ni dans le camp des victimes, ni dans le camp des bourreaux.
Cette recherche l'obsède, il dit: Mon obsession tournait à l'hallucination.
Mais il préfère souffrir d'un désordre plutôt que d'une injustice
Il découvre qu'il s'agit d'une dame qu'il va poursuivre sans arrêt, qu'il va perturber, persécuter, affoler avec une telle violence qu'il en devient abject!
Il finit par indisposer tout le monde! D'accusateur, il se retrouve accusé!
«Ils ne comprenaient pas que ce que je dénonçais en cette femme, ce n'était pas l'antisémitisme mais la délatrice.»
Il est honteux et se sent coupable d'agir ainsi, mais il dit: « Je n'étais plus qu'un bloc de haine!»
Mais pourquoi cette femme est-elle devenue délatrice?
Avait-elle des raisons sérieuses pour agir ainsi?
SUJETS ABORDES
Archives de France.
Il y a 3000 kilomètres d'archives en France, plusieurs millions de documents.
Il n'est pas facile d'y accéder: des dérogations, des demandes officielles au ministère, sont nécessaires. On ne peut reproduire aucun document.
La période 1941-1945.
La recherche des Juifs: tout était prétexte à arrestations, les relations, le nom (Simon...Shimon...Chamon...)
«Il fallait prouver, non ce que l'on était, mais ce que l'on n'était pas!»
Les lettres de dénonciation.
En principe non consultables, signées ou non, pleines d'horreur.
La famille juive Fechner (51, rue de la Convention, Paris 15e).
Le grand-père est mort en déportation.
Le fils Henri, lui aussi déporté, en est revenu.
Le petit-fils François, à qui on n'a pratiquement rien raconté et qui voudrait savoir.
Ils sont Français, fourreurs depuis trois générations.
Pendant l'occupation leur vie est un vrai cauchemar à la suite de cette dénonciation: perquisition, réquisition, vente de leur magasin.
On découvre leur vie, leur comportement, leur courage pendant ces tristes années.
Enfin, après la guerre, le désir d'oublier, de ne plus en parler, de ne pas raconter:
«Les déportés de retour des camps n'étaient pas à la fête; ils embarrassaient tout le monde.»
La dénonciatrice: Madame Cécile Armand Cavelle.
Fleuriste, habitant en face des fourreurs, dans le 15e, une France en réduction, concentrée sur quelques mètres: tous les habitants se connaissaient.
Un bistrot, une église, un ancien déporté seront les témoins de la persécution de Madame Armand. Certains savent, d'autres croient savoir, mais personne ne parle!
Pourquoi a-t-elle écrit cette lettre de dénonciation?
CONCLUSION
«Dans cette méditation sur la banalité de la violence, Pierre Assouline raconte un monde fait de névroses individuelles et de non-dits collectifs... Faute de pouvoir répondre à la question: Qu'aurions-nous fait?, le narrateur s'engage dans une quête à la fois personnelle et universelle.»