Madame de Saint Sulpice, éduquée au couvent des oiseaux, n'a pas dérogé à la règle : tenancière d'une maison de rendez-vous, elle accueille ses ouailles pour des confessions sur l'oreiller et répare avec la douceur de l'ange les péchés de chacun. Alphonse Boudard, incomparable conteur, nous livre dans les journaux intimes de son héroïne, le destin d'une marginale, tour à tour drôle et sarcastique.
1) CHOIX DU LIVRE
Dans la plupart de ses livres, Boudard a décrit certaines maisons closes qui existaient sous la 3ème République et où venaient se dégourdir les princes en visite, les ambassadeurs, les personnages les plus huppés de la République Française...
Boudard a d'ailleurs écrit : « On imagine mal de nos jours ce que furent ces maisons closes. Carrément une institution à peine voilée des ligues de vertu . Elles fleurissaient partout. Les villes de 20000 âmes avaient leurs établissements. Tout ça bien organisé, géré par un syndicat de tauliers, très puissant, protégé par la police et toléré aimablement par les municipalités, les paroisses, les autorités militaires »
Le 13 Avril 1946, jour où l'Assemblée Nationale abolissait les maisons de tolérance, Pierre Mac Orlan pouvait déclarer à juste titre « C'est la base d'une civilisation millénaire qui s'écroule »
A travers cet ouvrage, Alphonse Boudard se penche sur cette civilisation, non seulement en historien des murs éprouvé, mais aussi, et surtout, en écrivain, avec la gouaille, et la verve qu'on lui connaît
2) L'AUTEUR
«Alphonse Boudard n'est pas précisément un romancier. Il lui est inutile d'imaginer puisqu'il dispose d'une inépuisable histoire : la sienne ! Il lui suffit de s'en tailler une tranche et de l'accommoder à sa façon avant de nous la servir : la taule, l'hosto .....Il se baguenaude dans sa mémoire, la satire sous le bras et flingue tout ce qui passe à sa portée » (F. Dard)
a) Sa mort récente
Né à Paris le 17 Décembre 1925 il est mort en Janvier 2000 (75 ans). On a peu parlé de sa disparition bien que son uvre ait été importante (une trentaine de livres).
Une pièce de théâtre (Rue A. Boudard) a été écrite par Jacques Rosny et jouée en 1997.
b) Sa vie, son parcours
Sa vie se découvre à la lecture de ses livres, chacun relatant une période de sa vie
- de sa naissance à sa 7ème année, chez Auguste et Blanche, paysans du Loiret, chez qui il a trouvé tout l'amour dont il avait tant besoin.
- ensuite, jusqu'à son adolescence chez sa grand mère à Paris (13ème) où il décroche son certificat d'études tout en apprenant l'argot des rues. On retrouve toute cette période dans « Mourir d'enfance »
- apprenti dans une fonderie typographique durant l'occupation, il rejoint la Résistance en 1943, puis combat avec les commandos de France de la Première Armée. Il est blessé et décoré de la Croix de Guerre à la bataille de Colmar. De cette période il tire 3 livres « Les Combattants du petit bonheur » - « Bleubite » - « Le corbillard de Jules »
- de 1946 à 1947 son éducation se fait entre une librairie d'ouvrages anciens et religieux et la prison de Fresne où il rencontre toutes sortes d'escrocs. Après une cahotique réinsertion sociale il écrira « L'éducation d'Alphonse » et « La cerise »
- pendant sa détention, il contracte une tuberculose pulmonaire dont il ne guérira que par la chirurgie. Le livre relatant cette période s'intitule « L'Hôpital ».
En 1961, après un nouveau séjour, il présente aux éditions Plon « La Métamorphose des Cloportes » publiée l'année suivante et qui marque son entrée en littérature.
Ce premier roman est adapté au cinéma par Albert Simonin et Michel Audiard.
Par la suite A Boudard deviendra scénariste et dialoguiste, notamment pour Jean Gabin, Alain Delon, Jean-Paul Belmondo et Simone Signoret.
En collaboration avec Luc Etienne il publie en 1970 « L'argot sans peine ou la Méthode à Mimile » ouvrage de référence pour les philologues.
Il devient historien des maisons closes avec « La fermeture » (1983) et « L'âge d'or des maisons closes » (1990), chroniqueur de faits divers avec « Les grands criminels » (1989) et auteur dramatique avec « Les sales mômes ».
Daniel Costelle lui consacre deux téléfilms dans la série « Quel roman que ma vie ».
3) SON ÉCRITURE
Frédéric D'Arc a dit « chaque fois que je plonge dans l'un de ses livres, j'ai l'impression de lire Céline »
Son écriture est riche en descriptions très imagées. Il s'évade souvent dans des anecdotes, des souvenirs pour reprendre ensuite le fil de son histoire. Il invente de nouveaux mots et utilise beaucoup l'argot parisien. Son vocabulaire truculent et très cru choque souvent. Pour lui « un chat est un chat »
Parlant de son livre Mourir d'enfance, il est dit : « On connaissait le Boudard de la langue verte et de la verve populaire, ce livre révèle un Boudard sensible et révolté : un magnifique écrivain français »
Le livre « Mme de Saint Sulpice » - Résumé
Sur les conseils d'un copain, en 1946 avant la fermeture, Boudard se rend par curiosité dans une maison close, à « L'Abbaye ». Il en ressort très vite, trop cher pour lui ! mais il a le temps de voir ce qui s'y passe.
D'autre part, à la suite du livre « La Fermeture » Boudard avait reçu de nombreuses lettres demandant un autre livre sur la vie dans les maisons closes (et aussi beaucoup de courrier plus ou moins agressif).
C'est alors qu'un certain commissaire Beaulieu (Brigade des murs) lui apporte toutes les documentations (doubles de rapports de polices, dépositions,....) et 6 gros cahiers cartonnés tenus par une taulière ayant « exercé » pendant 25 ans !
Alors commence l'histoire - presque authentique -de Marie-Gertrude, dite plus tard Blandine.
<- Elevée au couvent des oiseaux - son oncle était chanoine, sa cousine: sur de St Vincenr de Paul, sa mère: Baronne,et son père étant colonnel, elle a donc vécu dans des villes de garnison.
- On veut la marier à Hector de Saint Galmier, secrétaire d'Etat et deux fois ministre sous Pétain (vrai... pas vrai... ?)
- Elle est d'abord surveillante dans l'institution des surs de Bon secours.
- Elle tombe amoureuse.... et enceinte de l'Abbé Coulon.
- Elle quitte sa famille, travaille chez un marchand d'articles pour écclésiastique et est harcelée sexuellement par son patron.
- Elle accouche d'un fils Mathieu dans une institution pour filles mères.
- En 1916, à 19 ans, commence son « putanat », d'abord avec son patron. Puis elle fait la connaissance de Landru, de Guynemer, puis de Mr Eugène, son souteneur, qui la fait entrer chez Mme Aglaé en 1918
- Pendant toute cette période son fils est en nourrice. Elle va le voir régulièrement et espère un grand avenir pour lui.
- Elle devient l'amie de Mme Aglaé - puis son héritière - Elle a 35 ans.
Elle gère la maison qui reçoit les prêtres « en besoin » avec l'assentiment des pontifs de l'église à qui elle rend des comptes. « Les filles sont là pour calmer les turpitudes de la chair, nous nous dévouons pour la Sainte Eglise »
En 1940, avec l'invasion allemande, elle pactise avec les soldats ennemis qu'elle doit accepter. Elle est amoureuse d'un officier.
Elle fait de la résistance, toujours pour garder « l'Abbaye »
Elle fonde de très grands espoirs pour son fils ; celui-ci ne s'intéresse pas au sexe, sera prêtre et plus tard très haut placé en religion !
La loi du 13 Avril 1946 a interdit les maisons de tolérance et le proxénétisme sur l'ensemble du territoire ; cette fermeture est à l'origine des « ballets roses ».
A cet univers à la fois éclatant et sordide a succédé, inévitablement, celui de la prostitution généralisée en plein air, sur les trottoirs ou à l'orée des bois. Il ne semble pas que les « filles » aient gagné à l'affaire.
Marthe Richard, à l'origine de cette loi, y avait-elle songé dans sa croisade de moralité ? Mais qui était cette femme aussi trouble que célèbre ? Quelles étaient ses motivations véritables ?